Universel coiffure by Allard Caroline

Auteur:Allard Caroline [Allard Caroline]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Éditions Coups de tête
Publié: 2012-03-24T04:00:00+00:00

18

« C’EST LES YEUX JAUNES qui me tuent. Jaune comme ça, c’est juste pas naturel. » Sylvie devait bien avoir répété ces deux phrases au moins cinq fois de suite. Elle était un peu ébranlée.

« J’ai les yeux dorés, moi aussi, pis je suis pas une extraterrestre ! »

En apprenant ce qui s’était passé chez Tequila B, Agathe et Sylvain étaient venus rejoindre Sylvie à l’appartement de la danseuse. Agathe s’examinait à présent les yeux dans son miroir de poche. « Tiens, regarde ! » Elle tendit le miroir à Sylvie.

« Tes yeux sont pas restés dans le miroir, Agathe. » Sylvie sourit. Elle était crevée mais les pitreries de son amie lui faisaient un bien instantané.

« Anyway, sont bruns. » Sylvain avait le ton sec d’un président d’assemblée qui, à trente-cinq ans, a déjà hâte de prendre sa retraite.

Le frère de la danseuse avait le front tout plissé à force de relire sur son téléphone l’article de journal consacré à l’attaque contre Tequila B : Un cocktail Molotov fabriqué à partir d’une bouteille de Jägermeister a partiellement détruit, plus tôt cet après-midi, le salon Tequila B Coiffure & Spa à Montréal. La mère d’une jeune mariée qui s’était fait coiffer dans ce salon quelques semaines auparavant a été accusée du méfait. Elle clame qu’à cause du service reçu chez Tequila B, dont le propriétaire avait offert gracieusement une bouteille d’alcool à sa fille, la jeune mariée se serait évanouie dans le gâteau après s’être rendue coupable d’inconduite de nature sexuelle avec la mère de son nouvel époux. Les deux présumés extraterrestres responsables du meurtre d’une coiffeuse de Saint-Lin-Laurentides auraient été aperçus sur le lieu de l’explosion mais la police ne les a pas retrouvés.

Sylvain était de très mauvais poil. Non seulement la police avait, à son avis, bâclé le travail (« pas mal plus facile de venir me faire chier au club avec mes impôts que d’attraper deux fous furieux, on dirait »), mais surtout, il s’inquiétait pour Sylvie.

« Je le sais, Sylvain, que c’est pas des vrais extraterrestres. Dans ma tête, je le sais. Mais j’ai jamais vu personne avoir une hépatite qui lui rendrait même les pupilles jaunes. »

Sylvain soupira. « On s’est déjà entendus pour dire que c’est des verres de contact teintés. »

« C’est les iris », intervint Agathe sans cesser de se regarder dans le miroir.

« Hein ? »

« C’est leurs iris qui virent jaunes, Sylvie. Pas leurs pupilles. En tout cas, d’après ce que tu nous avais dit. »

« S’il te plaît, Agathe, intervint Sylvain. Iris, pupille, dans mon livre, c’est bonnet blanc, blanc bonnet. »

« Jaune bonnet. » Agathe avait l’air satisfait de la fille qui veut taper sur les nerfs de tout le monde et qui y réussit très bien.

D’habitude, Sylvie appréciait ce genre de duel fraternel mais en ce moment, elle avait d’autres préoccupations. « Des fois, je me dis que s’ils sont si introuvables que ça, ils peuvent juste être à un endroit. »

Agathe haussa les sourcils. « Où ça ? »

« Sur Terre jumelle.

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